ENTRETIEN AVEC LE PETIT-FILS DE L'ACADÉMICIEN
« Mon grand-père Marcel Pagnol »

 

 

 

Nicolas Pagnol s'attache à pérenniser la mémoire du célèbre auteur.
II lui consacre un ouvrage, « Carnets de cinéma » émaillé d'anecdotes et de souvenirs.
Nous l'avons rencontré à Erbalunga où il était en famille. Il nous en dit plus

 


Attablé au restaurant « Côté Marine », sur le vieux port de Bastia, Nicolas Pagnol sirote un pastis. Face à lui une vieille échoppe de pêcheur, des filets accrochés aux portes, et, comme figés dans le temps, quelques vieux Bastiais, le verbe haut, qui règlent joyeusement une controverse footballistique. La scène semble tout droit sortie d'un film de Marcel Pagnol. Nicolas, qui n'est autre que le petit-fils de l'académicien cinéaste, observe en souriant : « J'adore la Corse avec ses lieux typiques, ses habitants fiers et taquins, ses couleurs, ses accents. Bref, tout ce que le sud de la France a perdu durant les trente dernières années ». Entre deux voyages promotionnels pour la sortie de son ouvrage « Carnets de cinéma », paru aux Editions de la Treille, le dernier tome de l'autobiographie de son grand-père, Nicolas s'est offert quelques jours de vacances en famille dans le Cap. « Je suis venu en Corse pour la première fois à 15 ans, c'était à Porto-Vecchio. Depuis 4 ans je reviens régulièrement et plus assidûment. Mon ami, l'homme de radio, Jean-Paul Luciani sait toujours me trouver les plus jolis lieux de séjours et cette année son choix s'est porté sur Erbalunga. J'avoue avoir une petite préférence pour le nord de l'île. Mon petit garçon Victor avait connu l'île dans le ventre de sa maman et là, il ouvre les yeux sur une terre d'oliviers et de châtaigniers unique et préservée ». L'intérêt des Pagnol pour l'olivier est devenu un rite pratiqué dans le domaine familial au sud de l'hexagone « Nous avons planté un nouvel olivier que nous avons appelé Victor, poursuit-il.
C'est une tradition dans la famille, Il en est ainsi chaque fois qu'un Pagnol naît ».
Toute l'affection de Tino Rossi
Si proche d'Aubagne, la Méditerranée baigne l'âme des Pagnol. Elle fut l'humus de l'écrivain.
- « Mon grand-père appréciait les Corses même s'il n'est venu que deux fois sur l'île. Il comptait beaucoup de Corses dans son équipe. Il y avait le caricaturiste Toé qui fut le directeur de publicité des studios Marcel Pagnol de 1931 à 1942 puis dans les années 50 pour « Les cahiers du cinéma ». C'est lui qui réalisa les affiches des films César, Marius, jusqu'au Schpountz. Il y avait aussi Joseph Martinelli de Bocognano, directeur de production en 1944 qui travailla sur « Manon des sources ».
Après la disparition de Marcel Pagnol, Tino Rossi demeura, fidèle ami, aux côtés de la famille endeuillée comme un pilier, un rempart. D'ailleurs Nicolas sourit en évoquant les courses de chevaux que simulait Tino en l'emportant sur ses épaules, dans les jardins de sa propriété du Scudo, sous le regard de Jaqueline sa grand-mère.
- « Mon grand-père est venu ici à deux reprises à l'invitation de son ami Tino à Ajaccio. Il détestait prendre l'avion et le bateau, d'ailleurs, pour l'anecdote, lors de son arrivée, il tendit les bras vers Tino en lui lançant d'une façon théâtrale : « Il fallait que je t'aime pour affronter la mort ! ». C'était la deuxième fois qu'il prenait le bateau, afin de visionner le premier film parlant. « La belle meunière » fut le premier film français en couleurs, où il tenait la vedette aux côtés de ma grand-mère. Sachez que « Le premier amour », imaginé pour Tino comme une sorte de conte poétique, de guerre du feu, racontant l'invention de l'amour n'a jamais pu se réaliser ».
Toute une œuvre à perpétuer
Nicolas aurait pu suivre les traces de son grand-père dans l'univers du septième art. Assistant réalisateur de métier, aux côtés de Gérard Oury ou encore de Francis Weber il a préféré se consacrer à la perpétuation de l'œuvre de son grand-père. Depuis l'an dernier il est le directeur de la Compagnie méditerranéenne des films (CMF). Marius, Fanny, César, Panisse, Monsieur Brun et tous les autres
personnages de notre mémoire collective sont devenus des compagnons de route pour ce séduisant jeune homme. Une mission
passionnante qui s'articule essentiellement autour de la gestion du patrimoine familial artistique et culturel afin que les générations futures n'oublient pas l'œuvre de 'Pagnol. Restaurations, rééditions, adaptations, conférences, projections. Nicolas est sur tous les fronts. Il sillonne le monde et entretien la flamme du souvenir actif sous l'œil bienveillant de Jacqueline. Une façon aussi de découvrir ce grand-père qu'il n'a pas connu.
- « Il est décédé un an avant ma naissance. Je le connais uniquement à travers les souvenirs de ma grand-mère, ceux de ses amis, les archives d'ici et d'ailleurs et la correspondance que nous avons conservé. J'ai 35 ans et je n'ai pas encore fait le tour du monstre sacré qu'il représente. Tous les jours je le découvre davantage. Il faut dire que dans la famille on ne l'idéalise pas et il n'y a pas de culte entretenu autour de sa personne. C'était juste mon grand-père. Au fur et à mesure de mes déplacements et de mes rencontres, je me rends compte de son importance. Des Etats-Unis au Japon dans le monde entier les gens l'aiment. D'ailleurs à travers des lettres de Cary Grant, Peter Ustinov, je découvre l'admiration qu'il provoquait Outre-Atlantique. Les producteurs William B Meyer et William Wyler lui firent des ponts d'or pour qu'il vienne à Hollywood. En Italie, Rossellini et De Sica déclarèrent que Marcel Pagnol était le père du néoréalisme. A Paris, Truffaut et Godard se réclamèrent de lui ».
Les dernières volontés de ce grand père génial insistent sur la pérennisation de l'œuvre mais soulignent aussi combien il est important que ses pièces et ses films ne restent pas figés dans le passé. Adaptations encore et encore, faisant fi des critiques. Si la récente adaptation à l'opéra de Marius et Fanny par Vladimir Cosma avec Roberto Alagna et Angela Gheorghiu fut un succès, que dire de la fameuse trilogie adaptée en télé avec notamment Roger Hanin ?
- « Je crois qu'il ne faut pas comparer Fernandel à Smaïn ni Roger Hanin à Raimu, ce sont deux géants, deux monstres irremplaçables. Avant de mourir mon grand-père avait demandé à ma grand-mère de faire en sorte que ses pièces soient jouées et que ses films soient montrés, adaptés par n'importe qui, n'importe comment. Il disait Une pièce de théâtre, un film ce n'est pas fait pour rester sur une étagère, c'est fait pour être sur des planches et un écran ! « Il ajoutait que si on devait se fier aux apparences on n'aurait jamais mangé d'oursins ! »
Un souhait exaucé. Pagnol est joué huit cents fois par an en France sans compter ce qui se fait en Europe et au delà. En septembre prochain les artistes de la Comédie Française porteront « Fanny » sur les planches au théâtre du Vieux-Colombier où trente-trois représentations sont d'ores et déjà prévues. Plus près de nous, la compagnie insulaire « U téatrinu » s'était attelée à l'adaptation en langue corse de Marius que Nicolas, désolé, n'a pas vu.
- « Je n'ai pas eu l'occasion d'y assister mais ce serait vraiment un plaisir de la voir si elle était rejouée. J'ai reçu la traduction mais malheureusement je ne lis pas le corse. Cependant je pense que la Corse est le dernier bastion de la culture latine et la seule à pouvoir s'essayer à ce genre d'exercice. Mon grand- père écrivait en français et mettait une touche musicale que l'on retrouve dans la langue corse. Un vrai défi pour les artistes locaux que je veux saluer ».
Forcé d'arrêter le tournage
Pour Nicolas il s'agit de perpétuer l'œuvre « pagnolesque » certes, mais au-delà, de faire découvrir l'homme qu'était cet « optimiste angoissé ». Et, sans vouloir relancer la polémique sur la position de son grand-père pendant la deuxième guerre mondiale, il tient tout de même à rétablir les faits en publiant des manuscrits inédits qu'il nous présente dans le livre « les Carnets de cinéma ». Clôturant ainsi l'autobiographie que Marcel Pagnol avait commencé en 1920 avec « Pirouettes », Il revient sur l'action de son grand-père durant l'occupation allemande ainsi que sur sa vision du cinéma français d'avant et d'après guerre. Des textes qui révèlent un Marcel Pagnol combatif, engagé et entreprenant soucieux de son indépendance artiste. Lorsqu'en 1939 la guerre éclate tout va rapidement s'enchaîner. Une anecdote terrifiante vient donner le ton de ce que seront ces années sombres. A l'aube du conflit, alors qu'il essaye de boucler le tournage de « La fille du puisatier » la déclaration de guerre tombe comme un couperet. Tout bascule. Les attroupements sont interdits et un gendarme vient pratiquement le saisir par le collet en lui ordonnant d'arrêter le tournage.
- « Dans le scénario de ce film il avait écrit une première mouture où la France devait gagner car le chef de la propagande de l'époque, Henri Torres, avait demandé aux réalisateurs français de faire des films qui rapprocheraient les Italiens et les Français. Les Italiens n'étaient pas encore dans le conflit et mon grand-père avait décidé de faire un film à partir d'une petite histoire qu'il avait entendu dans le village d'un puisatier transalpin, un certain Moretti qui fut joué par Raimu. La défaite française rend très difficile la poursuite du film car dans la version originale la France gagnait très rapidement la guerre. Il a donc modifié l'histoire et a bouclé le tournage avec, dans l'équipe, des enfants et des vieillards ».
Le destin de son dernier film
Dans ce grand classique on peut d'ailleurs entendre le fameux message radio de Pétain demandant l'abandon de la lutte. À ce sujet Nicolas à sa petite explication.
- « Les studios étaient à Marseille en zone libre. Ils étaient les seuls avec ceux de la Victorine, à Nice, à échapper au contrôle allemand. Les autorités exigeaient des messages patriotiques pour rapprocher Allemands et Français. Marcel Pagnol était consterné et n'avait absolument pas envie de le faire. Insérer le discours du maréchal dans le film souligna singulièrement l'aspect tragique de l'époque ! Lors des projections les Français étaient en pleurs. Du coup le film a été interdit en zone occupée ! »
La propagande de Vichy, la censure de la Kommandantur et le contrôle des artistes deviennent le quotidien du microcosme artistique. Marcel Pagnol va traverser la guerre en gardant son intégrité sans céder aux propositions menaçantes de l'occupant. Et, lorsque Alfred Greven, directeur du cinéma européen pour les nazis, correspondant de Goebbels, vint lui rendre visite dans ses studios pour lui proposer de prendre la tête du cinéma français, l'auteur prétexta une maladie diplomatique et se retira à Monaco.
- « Greven revint le voir en principauté. Il semblait admettre la maladie fictive mais affirma que ne pouvant travailler pour eux, il ne pourrait travailler pour lui. Il l'accusa même de philosémitisme en raison de son amitié pour Albert Cohen. Mon grand-père était également en train d'écrire un gros livre intitulé « la Cinématurgie de Paris » qu'il n'espérait plus maintenant achever. Il décida, alors, de détruire son dernier film devant un huissier et toute son équipe à coup de hache. Il contacta la Gaumont et lui vendit ses films, ses agences de distribution et son laboratoire ».
Nicolas Pagnol reviendra régulièrement dans l'île comme pour signifier son attachement au refus de la standardisation culturelle et pour retrouver un esprit de liberté et d'identité que son grand-père voulait préserver à tout prix.
Karen FILIPPINI
www.marcel-pagnol.com


le "Raimu Corse" « U Teatrinu »
Une grande adaptation a fait de lui le « Raimu corse ». Mais François Berlinghi n'existe pas seulement par ses prouesses sur les planches. Maire de Peru-Casevecchie, pilier du monde associatif, enseignant et syndicaliste, un étonnant acteur de la société corse complète la personnalité du comédien plein d'humour
Le premier coup de fil nous en dit déjà beaucoup : « Je ne suis pas libre ce vendredi. J'ai un mariage dans la journée, et le soir, je joue ». Le maire et le comédien se sont ligués pour contrarier nos plans et reporter un rendez-vous. Mais on finit toujours par rencontrer François Berlinghi. Car l'homme est de toutes les réjouissances.
A Peru-Casevecchie, petite commune de la pieve de Tavagna, derrière le bureau du maire qu'il occupe depuis moins de deux ans, il dialogue. Joue-t-il ? Allez savoir ! Son humeur joviale et facétieuse « menace » en permanence le cours d'une conversation dite sérieuse entre l'élu et son interlocuteur. « Je suis maire, président de la communauté des communes de la Costa Verde... et bientôt sénateur... ». Derrière ses moustaches grisonnantes, il savoure, un petit sourire en coin, face à une attitude interloquée. Trop tard, François Berlinghi nous a encore eus. «Tu sais, poursuit-il, la fonction élective et le théâtre ne sont pas forcément antinomiques. Elles se nourrissent d'un collectif, du lien très fort avec l'autre et de tout ce que l'échange peut apporter ». Il semble en savoir déjà très long. Lui qui affirme volontiers n'avoir été prédisposé, ni à monter sur les planches, ni à enfiler l'écharpe tricolore.
« Les partis nous ont fait vivre sur des illusions »
Cette pointe d'accent provençal - « qu'il s'exprime en français comme en corse », s'amuse Jean-Marie Pallenti, son voisin le maire de Velone d'Orneto- rappelle le natif de Toulon, la jeunesse azuréenne de celui qui ne rejoignait son village corse que le temps des vacances scolaires. Le tout jeune François était un gamin timide, élevé dans une famille porteuse des valeurs de gauche dans les quelles il se reconnaît encore. Il se souvient d'un oncle conseillé municipal communiste à Nice, il dit avoir très tôt eu envie d'œuvrer pour les autres. « Mais je me suis très vite démarqué de la logique des partis qui nous a trop souvent fait vivre sur des illusions. J'ai préféré l'action syndicale ». Il n'a pas hésité longtemps à s'y engager tandis qu'il faisait son droit à Nice, le pion au Parc impérial, puis au « Saint-Ex » de Saint-Raphaël. Sa maîtrise en poche, il devient maître auxiliaire, puis définitivement enseignant. « J'ai eu la chance de bénéficier d'une vague d'intégration dans les années soixante-dix ». Aujourd'hui prof d'économie et gestion au lycée bastiais Giocante de Casabianca, François Berlinghi demeure impliqué en tant que secrétaire départemental du Syndicat national de l'enseignement secondaire affilié à la FSU. « Je ne suis que le produit de ce qui a guidé ma famille. Quand tu as toujours été attaché à la défense de la vie de tes semblables au jour le jour, tu ne te refais pas ». Une ligne de conduite quasi culturelle et un credo : « On ne fait pas d'économie sur l'éducation. Un jour, un ami enseignant a répliqué à quelqu'un qui jugeait le système trop coûteux. « Essayez donc l'ignorance ».
Le quotidien, l'avenir d'une communauté. Où qu'il soit, François s'en préoccupe. Question de personnalité selon ses proches. D'aucuns affirment qu'il ne vit que par et pour le collectif, que jamais il n'oserait envisager un parcours de comédien en solo. Dans cette dynamique d'échange, il donnera sa pleine mesure au sein du mythique Tavagna Club dont il est aujourd'hui le président. « A vie », soutiennent volontiers ses compagnons de route avec lesquels il suit le cours d'une aventure qui dure depuis quarante ans. « J'ai eu beaucoup de chance dans mon existence, et cette association y est pour beaucoup. C'est l'histoire d'une poignée de jeunes idéalistes qui voulaient changer le monde, et qui ont quand même réussi à faire vivre une région grâce à la culture et au lien social très fort ». Au « Club » dont les forces vives ont séduit bien au-delà des limites de la Tavagna, le président est l'homme qui apprécie les bons cigares. « Et celui qui n'aime pas la pulenda malgré son appartenance à la Castagniccia », dévoile Francis Pallenti qui évoque par ailleurs l'ancien gardien de but, l'homme vif d'esprit, l'élu discret, obsédé par l'efficacité, qui disparaît souvent pour se cloîtrer à la mairie et travailler ses dossiers. « Savoir placer la vie au centre de tout »
L'intéressé reconnaît lui-même que sans le Tavagna Club, il n'aurait sans doute jamais été tenté par les fonctions d'élu, ni par la comédie d'ailleurs. « Les deux sont incontestablement le prolongement de la philosophie du club. L'engagement politique, c'est une autre façon de s'occuper de « nos affaires ». Le théâtre, c'est au Tavagna Club que je l'ai découvert ». Avant « d'exploser » sur la scène médiatique avec « U Teatrinu » et « I Storti » de France 3 Corse, Il jouera sa première pièce à Talasani : « A Veghja », une veillée corse entre les personnages centraux d'un village d'autrefois. Il sera aussi de l'interprétation du fameux « Scutinu dépouillée », œuvre de Tintin Pasqualini. Au service de la chose publique, il débuta sur la pointe des pieds, adjoint du regretté Paul Renucci, avant de lui succéder à la mairie de Peru-Casevecchie. Il prendra également les rênes de la communauté des communes après la brutale disparition de Claude Olivesi, comme s'il mettait un point d'honneur à défier le destin.
François Berlinghi, l'élu, ne vit que pour l'action politique de proximité. Un maire au cœur d'une modeste commune. « Satisfaire des besoins illimités avec des moyens limités. L'exercice est difficile, mais il est en même temps exaltant. Il faut savoir influer et faire des choix ». Le maire de Peru Casavecchie ne se voit ni en conseiller territorial, ni en élu départemental. « Qu'est- ce qu'on leur dit à ces gens-là? « On ne vous voit jamais ». Il préfère son mandat, moins reluisant mais au plus près des réalités. Manque d'ambition ? Excès d'humilité? « Ce sont les maîtres mots, mais dans mon cas, l'humilité c'est du réalisme par rapport à des moyens limités. L'ambition, c'est réfléchir malgré tout à des projets. Ce qui ne signifie pas forcément des travaux, même s'il y a des chantiers incontournables. C'est aussi savoir placer la vie au centre de tout. En dynamisant l'action culturelle dans nos villages par exemple ». Il n'est pas connu comme l'homme des grands mots souvent martelés par ceux dont les discours sonnent creux. « Je m'efforce surtout de bien me faire comprendre et dire les choses simplement. Je préfère expliquer comment et pourquoi j'ai fait enlever une centaine d'épaves de voitures au lieu de crier haut et fort que je suis pour le développement durable ».
Jouer le « César corse » à Marseille.
Faire passer le bon message, séduire, établir le meilleur contact, tel est le fil conducteur que François Berlinghi ne veut pas perdre de vue. Face à tous les publics, administrés, écoliers et spectateurs férus de théâtre. Il se délecte, depuis les planches, du rapport avec ces derniers. « Jouer une pièce, sentir progressivement un public, quand ça marche, qu'il y a une belle écoute ». Il prend autant
de plaisir à découvrir un texte, à accumuler les répétitions pour donner le meilleur comme il le fit dans l'adaptation corse de la trilogie de Marcel Pagnol. « La partie de cartes, la mort de Panis, nous avons atteint des sommets de bonheur ». « Grâce à sa présence scénique, il a été un formidable César », considère Francis Pallenti, tandis que son compère Guy Cimino reste égal à lui-même dans le témoignage. « C'est vrai qu'il a une belle présence... d'abord parce qu'il prend de la place ». Et le comédien d'enfoncer le clou. « Il a été très bon dans le rôle du curé de Don Ghjuvanni... Il aurait dû être curé d'ailleurs ».
Le théâtre, il le déguste également en tant que spectateur. Il ne rate jamais une pièce jouée sur Bastia, confie avoir dernièrement apprécié de grands talents sur une scène parisienne, rue de la Gaîté. Il ne peut dissocier la pratique de cet art d'un goût immodéré pour l'humour. « On doit garder un regard amusé sur tout, savoir rire de tout, à commencer par soi-même ». L'amour de la langue corse ne peut non plus s'effacer devant le talent de l'artiste. « J'ai commencé à le parler très tard, au contact des étudiants corses à Nice. Comme çà, un jour, « mi so capiatu ». Il est fier, d'avoir fait comprendre, avec beaucoup d'autres, que l'on pouvait tout dire en corse. « Y compris traduire Shakespeare et Molière ». Son rêve : « Interpréter la trilogie de Pagnol en Corse... à Marseille ».
A 54 ans, candidat à sa propre succession sur sa commune, il hausse les épaules dès qu'on lui parle de campagne électorale. «Tu sais, la campagne, ici, c'est au jour le jour qu'on la fait. Dans la simplicité des rencontres du quotidien ». François Berlinghi est un homme heureux.
« Je fais ce qui est important dans la vie : ce qui me plaît, ce qui me va ». Et à l'heure de l'ultime poignée de mains, il se remémore quelques mots prononcés par un illustre personnage. « Orson Welles je crois ». « J'adore l'interview car elle me permet de savoir ce que je pense ».
Noël KRUSLIN