Importé par
les Grecs au Vlème siecle avant J C, l’olivier
trouva en Balagne sa terre d’élection. Aucune région au
monde ne donne une plus puissante impression de richesse.
Entre les monts couverts demaquis
sombre, manteau de verdure luisante, la vaste conque s'abaisse
doucement jusqu lit, à peine visible, du ruisseau de Régino. La vallée est un verger d'oliviers, de figuiers,
de cédratiers et d'orangers. Sur les sommets et les pentes
des collines aux formes nobles et hardies, les villages
semblent comme les grains d'un collier, capricieusement
disposés autour de la conque verdoyante. Comme au temps
des incursions des pirates et des luttes contre Gênes,
la population est restée sur les hauteurs. Les habitants
descendent seulement pour la récolte des olives et des
autres fruits. Dans cet heureux pays, le sol produit presque
sans culture. Les champs de céréales y sont de minime étendue,
mais le cédratier est cultivé avec soin.
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« L'olivier
est la richesse principale. Etait, devrais-je dire, puisque
la Balagne se ressent durement de la concurrence des huiles
de graines. Jadis, les marchands de Marseille, d’Aix, de
Salon et de Nice venaient régulièrement en Balagne acheter
les huiles ; aujourd'hui, ils semblent avoir désappris
ce chemin. En 1869, la contrée avait vendu, tant en Corse
que sur le continent, pour 12 ou 15 millions d'huile; en
1890, l'exportation dépassait encore 12 millions de kilogrammes
; ces chiffres ont beaucoup baissé. Le kilogramme valait
jadis 1fr.50 sur place, il est tombé à 60 centimes. La
récolte d'il y a deux ans est encore en magasin.
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«Les
causes de cette crise sont nombreuses. D'abord, l'usage
de plus en plus grand des huiles de coton, de sésame, etc,
a amené cette baisse de prix ; puis les Corses n'ont pas
suivi le mouvement industriel, leurs olives sont encore
traitées par les systèmes les plus primitifs et les huiles
ne peuvent lutter contre celles de Provence et de Tunisie.
L'addition d'huiles de graines, qui se fait également ici,
est venue jeter la défaveur; des commerçants, Italiens
pour la plupart, appelés tracoli font
le petit commerce et procèdent à des mélanges qui causent
beaucoup de tort aux produits du pays.
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« Toutes
les communes de la Balagne ont leur territoire couvert
d'oliviers. En 1820, on avait procédé au dénombrement de
ces arbres, on en comptait douze millions ; d'après M.
l’abbé Girolami-Cortona, qui
a étudié patiemment son île natale, ce chiffre aurait triplé depuis
lors.Le
juge de paix de Belgodère me
disait que dans les bonnes années, chaque olivier donne
en fruits un total égal à sa valeur. La moyenne serait
de 63 kilogrammes par pied d'arbre.
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«Les
arbres sont de préférence plantés en terrasses, on préfère
le plant greffé au greffage de l'arbre sauvage ; il est
moins cassant et produit beaucoup plus. Au moment de la
récolte, on aplanit le sol pour permettre une cueillette
facile. L'arbre n'est ni gaulé ni secoué, chaque matin
les femmes vont ramasser les fruits tombés. Ceux-ci sont
pressés dans les moulins dont chaque maison est dotée,
mais il y a aussi les petites usines, au bord du torrent,
ou l'on presse à façon.
«Grâce
aux soins donnés ici à l’olivier,
cette ample et lumineuse vallée, ouverte entre des montagnes
superbes, donne une impression de richesse que l'on ne
retrouve pas partout. Ces deux cantons de la Balagne fertile, Belgodère et Muro, sont les plus
beaux de la Corse entière. La route sinueuse tracée en
corniche au flanc des monts, depuis Belgodère jusqu'à Muro et Cateri,
est un perpétuel enchantement. »
(Ardouin-Dumazet,
Voyage en France. La Corse, 1898.)
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Terre méditerranéenne par excellence, la
Balagne offre à l’olivier des conditions de développement
optimales.
Ici l'olivier fait partie intégrante des paysages
de coteaux.
Il
y remplit des fonctions de production, de revitalisation
d'espaces ruraux difficiles et de préservation des paysages.
Les Origines de la Propagation de la culture restent cependant
floues.
Vraisemblablement
implantée par les Grecs, les deux principales époques de
mises en place des vergers furent le 2éme, siècle av J.C. sous
l’empire romain, puis la période de domination génoise
du 16éme au milieu du 18éme siècle.
A
cette période les zones n'empiétant pas sur, les terres
labourables consacrées aux céréales seront plantées d'oliviers, les
oléastres greffés et l'huile d'olive exportée, principalement
par le port d' Algaiola, sous
la houlette des marchands de Ligurie. |
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A
la fin du 18éme et au cours du 19éme siècle, des aides
financières à la plantation et au greffage furent octroyées
aux exploitants, les exportations se faisant alors principalement
vers Marseille .Au début du 20éme siècle, l’huile était
triturée et extraite avec la force de l'homme ou de l'animal
dans une multitude de petites unités
"I Fragni".
Quelques "frabiche” installées
près des rivières fonctionnaient 24h sur 24 les bonnes
années de production. |
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A
la fin de la seconde guerre mondiale, l'exode rural et
la concurrence des huiles de graine ont causé l'abandon
progressif du verger oléicole. Il fut dès lors soumis
tant aux incendies qu'à la dominance du maquis. Depuis
environ 10 ans, suite à I’augmentation constante de la
demande en huile d’olive, due aux parutions dans la presse
médicale relevant les vertus de ce produit, les oléiculteurs
de Balagne se sont
organisés et professionnalisés.
Des
plantations en variétés locales ainsi que des rénovations
de vergers anciens ont été réalisées autour des villages
et dans quelques vallées non sujettes aux incendies. |
Aujourd’hui,
la Balagne reste la principale région productrice de l'île.
La variété dominante est greffée et nommée “Sabina” La
récolte à pleine maturité s'échelonne de décembre à la
mi-juin. Une variété secondaire, la "Ghjermana”,plus précoce, est plantée de pied
franc. Il faut également citer la présence de vergers de "Picholine", aujourd'hui
remis en valeur, pour la production d'huile et de "Biancaghja" à Lama. D'un rendement moyen de 35%,
cette dernière serait, d'après des études menées par la
faculté de Corte, très proche de la "Sabine" plantée
en Balagne.
La
rénovation du verger, et les nouvelles plantations laissent
augurer une augmentation de la production, une production à ce
jour insuffisante pour, satisfaire une demande nettement
supérieure à l’offre.
J.Hennemann (Cursichella,
la Balagne, 2000.) |
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