Une civilisation de la châtaigne

 

 

 

 



 

Autrefois La Corse

 

Artisanat et métiers divers

Le fromage et le brucciu

Les travaux de la mer

Les ambulants "u tragulinu"

La culture de la vigne

L'olivier

Une civilisation de la châtaigne

Castagnaghji

Petits métiers de Calenzana


On a pu parler d'une «civilisation de la châtaigne» et il est de fait qu'elle tient dans l'histoire de la vie matérielle insulaire une place importante, au moins pour les quatre ou cinq derniers siècles. Le Plan Terrier recense 65 000 arpents plantés en châtaigniers, les 9/10 dans le nord; et en 1880, on évalue la châtaigneraie à 33000 ha et la production à plus de 300 000 quintaux. On exporte vers le continent. C’est là le résultat d'une politique d'encouragement commencée par Gênes au XVIIIeme siècle et poursuivie par la France.
Il faut dix à quinze ans, après la plantation, pour obtenir une première petite récolte. Pendant ces premières armées, le jeune châtaignier (pullone) est soigné, arrosé, greffé, taillé, protégé de la dent des animaux. Quelquefois même un petit mur de soutènement permet d'arrêter le glissement de la terre, qui risquerait de déchausser le jeune arbre. Plus tard, sous l'arbre adulte, cette terrasse sommaire retiendra les châtaignes.
On distingue plusieurs qualités de châtaignes: l'insitina, de grosseur moyenne et de qualité, qu'on appelle aussi orezzinca ou campanese la pitrina, ou teghja, de forme plate; la tricciuta qui se présente en bouquets de bogues; la nuccella, la villana (rustique).
Le mélange de tricciuta et d'insitina donne la meilleure farine. L'entretien de la châtaigneraie, se résume dans le meilleur des cas, à un arrosage en été, et à un émondage de loin en loin. Peu avant la récolte, on nettoie sous les arbres, à la faux ou à la faucille (diraschera).
La récolte commence avec l'ouverture du forestu, aux alentours du 10 octobre: toute la journée, femmes, enfants, hommes, sont courbés vers le sol pour recueillir, à l'aide d'une petite fourche de bois à trois dents recourbées (ruspula), qui permet d'écarter les feuilles et de découvrir les châtaignes avec ou sans leur bogue (gricciuli) ; on les recueille dans un panier de forme ovale, la sporta. On peut conserver quelques semaines les châtaignes sur place, dans des silos de pierres sèches, ventilés latéralement et recouverts d'un toit sommaire. Ces silos portent le nom de chjostru ou encore de murone. On peut aussi les transporter tout de suite au séchoir (grataghju, siccarecciu, siccatoghju). Là, elles sont étalées et retournées sur des claies situées au-dessus du fucone.
Cette opération de dessication dure trois ou quatre semaines. Au terme de ce séjour, prend place le battage, destiné à séparer les châtaignes de leur peau. Pour ce faire, on les met dans un sac en toile ou en peau de porc (pistaghjola) légèrement mouillé (pour diminuer son usure); le sac contient un décalitre de châtaignes, œ qui fait un poids de 5 à 6 kg. Quarante fois le batteur va jeter le sac sur un billot de bois (troppu, ceppu) recouvert d'un sac épais. Au terme de cette opération, la peau extérieure (chjoppulu, buchja) est enlevée. Il reste la peau interne, plus fine, (cesina) qui colle encore à la châtaigne. Pour l'ôter, il faut passer les châtaignes dans un four tiède et les y laisser se refroidir lentement. Le lendemain on les battra une deuxième fois, mais moins longtemps et on les passera dans un crible (spulinu, cernigliu) afin d'obtenir des «châtaignes blanches», débarrassées de leurs deux peaux et prêtes à partir au moulin. Le meunier retient le dixième de la farine obtenue pour son travail.