La culture de la vigne, est plus ou moins soignée selon qu'il s'agit d'une
production d'autosubsistance ou au contraire commerciale, fondée sur la
qualité et la réputation du vin. Les indications que l'on a pour
le XIXeme siècle laissent penser que, mis à part dans le Cap Corse,
la culture de la vigne est peu soignée et le vin obtenu de qualité médiocre.
Le vignoble corse traditionnel est un vignoble « à l'italienne » : à la
différence du vignoble « à la française» où tout
le sol de la vigne est labouré, la vigne en Corse est plantée dans
les fossés (fosse, cannelli), profonds de 1 mètre environ, larges
de 75 centimètres, espacés de 1 à 3 mètres selon
la « force» de la terre. C’est un travail qui est fait à la
bêche (banga), et souvent par des travailleurs immigrés italiens.
Les boutures (maglili) sont plantées avec un espacement de 30 à 80
centimètres.
La plantation a lieu de novembre à mars, généralement à la « lune
vieille ».
Quand la vigne a atteint assez de force, on la couche dans
des fossés (cave) perpendiculaires aux premiers. Ce système,
appelé provignage
(calatura), est très répandu jusqu'à la crise du phylloxéra.
Il permet d'obtenir à partir d'un pied solidement planté plusieurs
pieds secondaires; mais l'entrecroisement des cave et des cannelle interdit
tout labour; ce mode particulier de multiplication de la vigne donne plus de
poids
au proverbe «Tal calzu, tal magliolu, tal babbu tal figliolu » (tel
pied, telle bouture, tel père, tel fils).
La taille, qui s'effectue en hiver (dans le Cap Corse on la commence dès
novembre car il y a beaucoup à faire) est faite également à la
lune vieille. En février on donne à la vigne une première
façon, à la pioche (zappa) et une seconde en mai (maghjincatura),
plus superficielle, avec la marra.
C’est l'occasion d'une taille secondaire
qui élimine les brindilles et faux bourgeons. Ce nettoyage ne se dit pas
taglià mais putà. Ajoutons l'opération d'épamprage
(spampanà) qui se place quelques semaines avant les vendanges, et qui
a donné lieu elle aussi à un proverbe: « Assai pampana uva
poca » (beaucoup de pampres, mais peu de raisins).
La vendange se fait en septembre et octobre, et même quelquefois plus tard.
Le raisin, transporté dans des comportes (bigoncia) ou plus généralement
dans des corbeilles (cuffa, curbella), est vidé dans une cuve en maçonnerie
(palmentu, tina) où il est foulé au pied. Assez souvent cette opération
est effectuée dans un fouloir en bois percé de trous, ou muni d'une
claie en guise de fond (calcicatoghju, graticulu) d'où le moût (mostu)
s'écoule dans la tina où il fermente.
Le marc (vinaccia) est encore
pressuré grâce à un pressoir à arbre et à cabestan,
ou à vis. Dans le pressoir à arbre, une partie (pertica) fichée
dans le mur à une extrémité, repose sur des billots de bois
qui écrasent le raisin. A l'autre extrémité de la poutre
on suspend une grosse pierre (tribbiu, pisone) que l'on fait monter, au fur et à mesure
que la poutre s'abaisse, grâce à un cabestan (mulinellu). Le vin
est ensuite mis en tonneaux; on le goûtera à la Saint-Martin, le
11 novembre, avec les premières châtaignes, et on le boira généralement
dans l'année. Mais dans le Cap Corse où depuis des siècles
on fait un vin de qualité (à la fin du XVIIIeme siècle les
vins du Cap se vendent jusqu'en Allemagne), on raffine sur les procédés;
ainsi on passerille sur des terrasses le raisin muscat, et on obtient ainsi un
muscat impassitu, de grande réputation.